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des conquêtes ; les âges pratiques se font économes de splendeurs, moins curieux des belles œuvres que des bonnes affaires ; les monuments républicains sont donc d’une rareté relative, et plus rares encore ceux de la décadence. Nos scaphandriers ont cependant découvert, au cœur même de la cité, au plein milieu de la Seine, un temple énorme qui se dressait sur une île desservie par des ponts nombreux ; cette masse ciselée, qu’on peut considérer comme le prototype de la décadence, présentait tous les caractères du mauvais goût propre au xxie siècle ; c’est l’art gothique dans toute sa plénitude : vous en pouvez juger par les fragments décoratifs et les statues retirées du portail, qui sont actuellement au Musée de Sumatra, où vous avez remarqué ces dieux barbus et impassibles, figés dans leurs poses hiératiques, et cette déesse assise qui présente l’enfant : art sans vie, fin de l’art ! Le peuple, ne comprenant déjà plus ses dieux, ne savait plus les animer. On se demande avec quelque commisération comment, de nos jours, des hommes érudits ont pu, même un instant, voir en ces figures et ces ornementations, à la fois compliquées et maladroites, le commencement et non la fin d’un art : il faut, à coup sûr, que…

Les archéologues sont d’ordinaire impitoyables pour les archéologues, et celui-ci allait malmener ses confrères absents, lorsque son attention fut attirée par les pêcheurs qui jusqu’alors l’avaient écouté en ramant, et qui, tout à coup, levant les avirons, s’arrêtaient : il les interrogea des yeux ; alors un des Parisiens montra l’eau du bout de sa rame et déclara : « Ici, cathédrale, Notre-Mère. »