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« Pardonnez-moi, monsieur, dit-il ; j’ai fait de mon mieux, je regrette que mon opinion diffère de la vôtre, et je m’incline. » Puis, reprenant son manuscrit, il se dirigea vers la porte.

— Non, non ! lui cria Carrel ; vous ne m’échapperez pas ainsi. Asseyez-vous là, et défendez-vous ! »

Louis Blanc développa avec modestie mais fermeté les raisons historiques et philosophiques sur lesquelles se fondait son appréciation. Carrel l’écoutait en silence et avec une émotion contenue. Trois ou quatre fois, il l’interrompit par des remarques insuffisamment justifiées ; puis, tout à coup se levant, il dit :

« Mais au fait, il faut être vrai dans ce monde ! Je suis un soldat, moi ! je n’ai guère eu le temps d’étudier le xviiie siècle comme il mérite d’être étudié, et je ne suis pas absolument sûr que vous n’ayez pas raison. »

Une telle déclaration, faite par un publiciste déjà si renommé et qui jouait un si grand rôle, à un tout jeune homme au début de sa carrière frappa Louis Blanc d’admiration. Tant de magnanimité avait en effet quelque chose de touchant et d’inattendu. Il renouvela ses excuses et demanda comme une faveur, dont il