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— Le voilà ! — C’est pas lui ! — Si ! — Non ! — Élixir ! Élixir ! — À mort, l’Alboche ! — À mort, les traîtres ! — Élixir ! Élixir !

En un instant, Thismonard fut entouré de visages, de poings, de cris, et acculé au mur. Derrière lui, l’incendie ronflait ; plus loin, à gauche, la ménagerie meuglait, et bêlait, et rugissait de terreur.

— Le feu ! — On a mis le feu ! — C’est l’Action ! — C’est l’Alboche ! — Élixir ! Élixir !

Dans le tapage assourdissant, à peine il discernait les voix, et d’un geste machinal il frottait ses mains brûlées.

— Où est l’élixir, toi ?

— Jeté.

— Auguérand ?

— Parti.

— Sa formule ?

— Brûlée.

— L’élixir, on te dit !

— À l’égout, je vous dis.

— Tiens, salop !

Thismonard roula, l’œil gauche et la cervelle traversés d’une balle.

Dans la maison et dans les dépendances, on chercha l’inventeur sans le découvrir nulle part. La foule déjà compacte dans le jardin montait à l’assaut des balcons, entrait par les fenêtres, s’écrasait dans les chambres, cassait tout et ne pillait qu’à peine, faute d’une suffisante liberté de mouvement. Ceux qui avaient réussi à dérober quelque objet d’art étaient bientôt réduits à le lâcher, parce qu’il leur entrait dans les côtes, mais ils faisaient en sorte de n’en laisser que les morceaux. Presque tout fut détruit en une centaine de minutes. Le massacre des bêtes offrit l’amusement d’un sport ; le tigre, que les coups de cannes et les aboiements humains avaient rendu furieux, lançait des gifles en soufflant et fut criblé de balles.

À onze heures dix, le feu se déclara au premier étage de l’hôtel, allumé par un farceur. La jeunesse des écoles arrivait : elle s’employa généreusement à éteindre l’incendie qu’elle réclamait depuis la veille. Le désastre put être circonscrit.

À une heure, il ne s’élevait plus au-dessus de la clinique que les tourbillons