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— Je lui transmets votre avis, monsieur l’ambassadeur. Veuillez attendre… Patrice !

— Dis vite !

— L’ambassade d’Allemagne, par ordre du Congrès, t’offre asile avec bénéfice de l’inviolabilité diplomatique. En outre, la Pangermanliche t’informe confidentiellement qu’elle est disposée à adopter ton système, pour elle : des honneurs, pension annuelle ou capital immédiat, chiffre fixé par toi. L’avion de l’ambassade est en route pour te prendre. Ta réponse ?

— Celle qu’un autre Français a faite à Waterloo. Vas-y,

— Patrice…

— Vas-y, te dis-je,

— Réfléchis ! Cambronne a survécu à la bataille, mais notre compte est réglé, je le sens, c’est la fin !… Patrice, pense à ton œuvre qui serait sauvée…

— Pour servir à quoi ? À la haine ! Celui-ci vient de l’avouer : on m’utilisera contre des hommes, et j’ai travaillé pour les hommes. Ils déforment ? Tant pis pour eux.

— Tu parles dans la colère…

— Dans l’écœurement total. Le mot que tu vas leur dire traduit toute ma pensée : je n’en connais pas de plus juste. Va.

— Patrice, nous mourons mal…

— J’ai vécu bien.

— Irrévocable, Patrice ?…

— Oui.

— Que l’avenir vous juge, eux et toi !

— Qu’il nous juge, puisque je juge. Dépêche, et rejoins-moi.

Auguérand sortit. Lentement, Thismonard revint à l’appareil, d’abord avec une mine dolente :

— Ma foi, il a peut-être raison.

Il haussa une épaule :

— Bah !

Et d’un geste gamin il empoigna le récepteur :

— Allô ?… Monsieur l’ambassadeur ?… Parfaitement : J’ai transmis vos propositions au docteur… Sa réponse, oui… Eh bien, sa réponse : celle de Cambronne, monsieur l’ambassadeur. Mes respects.