Thismonard reprit :
— Tu voudrais ?… Tu pourrais ?…
— Je ne sais plus où est le devoir. Je ne sais pas où est mon droit.
Soudain, une immense clameur de triomphe couvrit toutes les voix articulées. Thismonard dit :
— Ils escaladent ?
Mais Auguérand tendit le doigt vers le ciel ; l’autre leva les yeux, poussa un cri : l’aéroplane du Comité de l’Action Directe arrivait au-dessus de la villa ; sur ses ailes violettes aux deux lettres jaunes A D, l’énorme papillon de mort planait dans le vent des menaces.
— Vite ! Les chausse-trapes !
Thismonard se précipita vers la manette des herses qui sont couchées dans l’herbe et qu’on redresse le soir pour enferrer les avions nocturnes : la prairie du parc se hérissa de lances.
Auguérand éleva lentement les deux mains, dans un geste navré qui bénissait ou maudissait :
— Ils l’ont voulu…
Il laissa retomber ses bras ; puis, énergique :
— Viens !
— Les A D ont vu la herse ! Ils tournent.
— Leur présence nous protège. On n’osera pas entrer tant qu’ils sont là, crainte des bombes. Ils nous donnent du temps. Viens vite.
— Où ?
— Laboratoire.
— Tu es décidé ?
Ils traversaient la salle… Près de la porte, une sonnerie du téléphone les arrêta.
— Faut-il entendre ?
— À quoi bon ?
— Laisse-moi écouter. On ne sait pas. Je te rejoins…
— À ta guise. Trente secondes, je te donne.
— Allô ?… Allô ?… Oui, la clinique… Non : c’est Thismonard, son ami… Lui-même ? Impossible : occupé… comme à lui-même. Qui parle ?
Auguérand, encadré dans la porte ouverte, attendait. Le visage de Thismonard penché sur l’appareil s’épanouit et devint rouge ; ses deux yeux illuminés de joie se relevèrent pour tendre vers la porte un regard pareil à celui du chien qui voudrait dire une bonne nouvelle à son maître.