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Les télégrammes du matin aggravèrent l’inquiétude : avec le jour, les appréhensions de la nuit devenaient une réalité. Quand on connut l’importance que prenait l’agitation des Écoles et des Faubourgs, quand on apprit la défection des services administratifs et celle, plus grave encore, de la force publique, quand on lut le récit de la ruée croissante du peuple vers Neuilly, alors un morne découragement consterna les esprits. Mais il fut court, presque partout : Nègres, musulmans et Chinois pouvaient se résigner par habitude religieuse ou philosophie naturelle ; les autres se révoltèrent.

— Paris détient la vie du monde et ne la lui donne pas !

Les consciences s’indignaient contre cet abus de pouvoir ; la faillite d’une espérance délicieuse irritait deux milliards d’égoïsmes déçus ; la découverte d’Auguérand paraissait plus précieuse, à mesure que s’affirmaient les chances d’en être privé ; la philanthropie d’un savant qui livre gratuitement sa formule à la famille humaine rendait plus odieuse l’exaction d’un peuple qui accapare le bien de tous pour le détruire. Du fond des steppes et du flanc des montagnes, de tous les pays que le soleil brûle ou délaisse, un long murmure se leva, et, comme au temps des migrations barbares, les yeux des races, chargés d’une envie coléreuse, se tournèrent vers ce jardin de France où l’homme vit à l’aise et n’est jamais content.

Dans la plupart des centres financiers, la Bourse enregistra une baisse considérable. En divers endroits, nos résidents ou nos colons furent insultés, leurs maisons boycottées, quelques-unes pillées ; dans l’Ohio, la populace pendit à des branches d’arbres et revolvérisa trois nègres, en qualité de citoyens français, responsables.