Il faut l’avouer, le mouvement commença en France, et de façon légère : en ce pays où l’on prétend que tout finit par des chansons, on peut dire que tout commence par des caricatures, qui sont les chansons en images.
La première en date fut celle du Pal, à six heures et demie du soir : elle représentait le professeur Graunerr, en toge et bonnet, debout dans sa chaire doctorale, levant d’une main la coupe où il va boire, et, de l’autre main, bénissant de trois gouttes la foule des candidats qui assiègent son poste ; quelques-uns crispent leurs doigts crochus vers la place convoitée, et d’autres, que vraisemblablement la bénédiction a touchés, s’enfuient avec des faces de douleur ; au-dessous, la légende : « Je bois à mon avenir ! »
La seconde caricature, celle du Témoin, parut en cinéma, à 6 h. 50 : on y voyait, dans la campagne, un menu vieillard, chancelant et cassé, qui jetait sa bêche avec un air de désespoir et se couchait dans le sillon, comme pour y mourir de lassitude ; il se relevait ensuite, avec de cruels efforts, et péniblement s’acheminait vers le coteau, montait vers la chaumière, et la scène se reportait dans l’intérieur de la maison : avec les gestes d’un agonisant qui ouvrirait sa propre tombe, le vieillard avait ouvert la porte, et il entrait ; d’un coffre, il tirait des sacs d’écus ; il les vidait sur la table, il comptait son trésor en pleurant ; ses trois fils arrivaient, suivis de leurs trois femmes et d’une marmaille ; l’aïeul faisait trois tas de son or, on le mettait au lit, on entourait sa couche, on attendait sa mort. Mais voilà que la porte s’ouvrait à nouveau, et Méphistophélès, sous les traits d’Auguérand, paraissait : trois gouttes d’élixir, et le moribond était debout, guéri, vaillant. Alors, le drame :