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— Je bois à l’avenir de la science !

— Au vôtre ! réplique une voix.

Sourires. Applaudissements. La séance est levée. La commission se réunira à l’Institut aujourd’hui, à trois heures, pour rendre ses conclusions définitives, qui d’ores et déjà se devinent. Auguérand reçoit de chaleureuses félicitations ; il reconduit les délégués. Échange de civilités, qui, cette fois, sont cordiales et franches.

Quand la grille du parc s’ouvrit pour la sortie des commissaires, une ovation tonitruante acclama Auguérand, qui se dissimula aussitôt. À Paris et dans les diverses capitales, le désintéressement de l’inventeur n’allait pas sans causer l’enthousiasme des uns, l’inquiétude des autres, la surprise de tous : il constituait un cas trop anormal pour qu’on ne s’en étonnât point, dans une époque essentiellement pratique, où toute invention représentait un capital et toute entreprise une affaire. Sans doute cet excès de générosité cachait quelque visée secrète ? Il n’en restait pas moins incontestable que le bienfait de la découverte allait être accessible à tous, pauvres et riches, sans distinction. Tous désormais, sauf accident ou maladie, auraient le moyen ou tout au moins l’espoir de demeurer sur terre pendant un siècle et demi ou deux siècles ! Le génie de l’homme venait enfin de conquérir la Durée, comme naguère il a conquis l’Espace !

— Hurra pour Auguérand !

Cependant la journée ne devait pas s’écouler sans alerte. À quatre heures, tandis que la commission siégeait à l’Institut, un câblogramme arrivait de Chicago à l’adresse du docteur, auquel il annonçait la constitution d’une société anonyme pour l’exploitation de sa découverte, et lui offrait vingt millions de dollars pour l’achat du brevet. Les différents services de la presse quotidienne étaient alors si méticuleusement organisés que cinq journaux reçurent copie de la dépêche avant que l’original en fût remis à son destinataire. Les boulevards furent informés en même temps que le docteur. Qu’allait-il décider, en présence d’une tentation si forte ? À cinq heures, on apprit qu’il refusait. À cinq heures quarante, la commission rendait son jugement formel, attestant la réalité des résultats obtenus par la cure et ne faisant de réserve que sur la composition chimique des élixirs, ignorée d’elle jus-