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— De ces statistiques, et d’autres, reprend Letigre, nos devanciers ont cru pouvoir conclure que le surmenage nerveux, sous sa double forme sensuelle et intellectuelle, provoque le maximum d’épuisement ; que l’intoxication alimentaire, cause efficiente de l’artério-sclérose, se manifeste en second lieu comme la génératrice des sénilités précoces. Donc, aimez moins, pensez moins, mangez moins, et vous vivrez vieux.

Une hilarité discrète souligne cette boutade. Le fidèle Thismonard sourit avec son imperturbable confiance. Auguérand réplique :

— Je vous remercie, messieurs, de rappeler des observations qui me rajeunissent à mon tour, puisqu’elles évoquent pour moi le souvenir de mes débuts, le point de départ des travaux qui devaient me conduire à la double découverte dont je vais avoir l’honneur de vous entretenir.

À la lecture de ces propos, une terrible clameur monta de la foule exaspérée.

— Assez ! — À bas Auguérand ! — Enough ! — Basta ! — Bravo, Letigre ! — Genuch ! — Hurrah pour Touposcoff ! — Conspuez Thismonard ! — Assez !

Le bruit des hurlements citadins arrivait jusque dans la salle : les académies, se sentant soutenues par l’opinion, s’agitèrent sur leurs sièges ; plusieurs membres, à l’exemple de Touposcoff, se levèrent pour prendre congé ; Thismonard, immobile à son coin de cheminée, écoutait le tapage et s’en montrait ravi. Un pantogramme annonça à la rue cette attitude du confident. Les cris indignés redoublèrent. Mais la manifestation, cette fois, tombait mal à propos, car Auguérand venait d’étendre le bras droit, en un geste d’apaisement et reprenait la parole avec tranquillité. Alors, sur l’écran noir, on lut :