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EDMOND MENDAY




UN TOUR DE COCHON

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de montmartre à la fête de neuilly


Monte là dessus
Monte là dessus
Et tu verras Montmartre ;
Monte là dessus,
Monte là dessus
Et tu verras… quelque chose de plus.

Le refrain populaire était lancé pour la centième fois dans la nuit par une bande joyeuse qui sortait d’un dancing de la Butte. Quatre hommes, quatre femmes, bras dessus, bras dessous, hurlaient la chanson sur le boulevard Rochechouart.

Il y avait la brune Colette Iris, la blonde Irène d’Ambleuse, la vaporeuse Armande de Beaucourt, et surtout l’ardente Éléonore de Thorigny, la plus endiablée des quatre. Celle-ci était une belle fille rousse, plantureuse, qui approchait de la trentaine, vibrante, gaie, véritable boute-en-train qui menait joyeusement la vie. « La belle Éléonore », comme disaient ses amis et ses amies, n’avait pas de rivale pour s’amuser et nulle ne pouvait lui tenir tête ni pour danser, ni pour boire, ni pour chanter, ni pour aimer.

C’était une créature étrange qui s’amusait pour s’amuser et semblait avoir de la vie à revendre. Contrairement à ses compagnes, on ne lui connaissait pas de protecteur officiel ; elle avait des béguins, ne se donnait qu’à ceux qu’elle avait choisis, non pour de l’argent ou des toilettes, mais pour son plaisir. Ses lèvres sensuelles appelaient les baisers, mais ceux-là seuls en connaissaient le goût qu’elle avait désirés.