Rentré dans son bureau, il maugréa tout seul, puis se demanda :
— Château-du-Lac ? Qu’est-ce que c’est que ce patelin-là ?
Sa mémoire étant insuffisante, il sonna l’huissier.
— Félix, lui dit-il, apportez-moi le Bottin des départements.
Un instant après, il feuilletait les pages jaunes du volumineux annuaire à la lettre C.
Il tourna fébrilement les feuillets s’arrêta à la page indiquée où il put lire, sous la rubrique du département de Nièvre-et-Loire :
Château-du-Lac. — 4.357 habitants. 423 kilomètres de Paris. Fête patronale le dimanche qui suit la Saint-Jean. Grand marché de bestiaux. Gare du chemin de fer d’intérêt local de X… à Z…
— Eh bien ! pour un trou, voilà un trou ! s’écria l’ami d’Éléonore en refermant avec colère le livre. Et dire qu’il va falloir m’exiler dans ce pays perdu parce qu’il a plu à la tante d’un ministre de faire faire à sa petite-nièce un tour de cochon !…
« Le tour de cochon, c’est à moi qu’on le joue ! »
La pendule sonnait midi :
— Zut ! dit-il. Et Éléonore qui m’attend pour déjeuner.
Rageusement il prit son chapeau et sortit du ministère.
Un quart d’heure après, il était chez son amie.
Celle-ci était encore au lit et s’étirait paresseusement lorsque Edgard entra :
— Te voilà, mon chéri, dit-elle. Alors, ça s’est bien passé.
— Ah ! Tu peux le dire que ça c’est bien passé !… Ça a très mal marché au contraire…
— Vraiment ?… Qu’est-ce qu’il y a donc ?…
— Il y a que je suis révoqué… exilé de Paris…
— Non… Tu plaisantes ?
— Je suis nommé sous-préfet dans un trou perdu, à 423 kilomètres de Paris, dans la Nièvre-et-Loire… à Château-du-Lac !
Comme mue par un ressort, Éléonore sautait à bas de son lit :
— Pas possible !… Non, ce n’est pas vrai ?…
— C’est tellement vrai, que je dois rejoindre immédiatement mon nouveau poste…
Éléonore regardait son ami. Elle semblait stupéfaite. Elle lui demanda :
— Répète un peu comment ça s’appelle, ce pays-là.
— Château-du-Lac ! Naturellement, tu ne connais pas cela.