Page:Edmond-Mandey-La Vertu d Alfred-1924.djvu/5

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 3 —

Cette Jeanne, c’était naturellement la meilleure amie d’Adrienne.

Mais qu’avait-elle donc pour que Paul la lui préférât ? Elle n’était certainement pas plus jolie. Et c’est à quoi Adrienne songeait encore en se regardant dans son miroir.

Ni plus jolie, ni certainement plus caressante.

Car cet amant qui la trompait ainsi outrageusement, il n’avait rien à lui reprocher sous aucun rapport. Elle était bien sûre qu’il ne pouvait rencontrer de maîtresse plus passionnée, plus vibrante sous l’étreinte, plus chatte qu’elle l’était pour lui.

Ces hommes, tous les mêmes, des monstres dont le meilleur ne valait pas autant dans tout son corps qu’une femme dans son orteil.

Et Dieu sait si elle l’avait aimé, ce Paul, si elle l’aimait encore ! N’avait-elle pas trompé pour lui M. Rouchaud qui était le plus parfait des maris ? Il est vrai qu’elle avait des excuses, M. Rouchaud étant beäucoup plus âgé qu’elle.

Adrienne avait fait un mariage de raison, en ce sens qu’elle ne possédait rien, alors que M. Rouchaud était à la tête d’une fortune assez rondelette, gagnée d’ailleurs fort honorablement dans le commerce des bois de charpente.

Mais, de son vivant, feu Ambroise Rouchaud s’était très bien conduit à l’égard de sa femme, lui accordant tout ce qu’elle désirait, la dorlotant de son mieux, lui procurant tout le luxe que ses moyens lui permettaient.

Enfin, il avait été le modèle des époux jusqu’à fin puisqu’il avait laissé à sa veuve toute sa fortune, l’instituant par un testament en bonne et due forme, sa légataire universelle au détriment de sa famille, laquelle était représentée par une sœur mariée en province avec un modeste fonctionnaire. Cette sœur de feu Rouchaud était mère de deux enfants qui avaient été élevés dans l’espoir d’être un jour riches, grâce à l’héritage de l’oncle Ambroise.

La déconvenue avait, on le conçoit, été très grande et Mme Valentin née Rouchaud, avait d’abord vitupéré contre « l’intrigante », mais Adrienne avait su habilement calmer la colère de sa belle-sœur, en assurant qu’elle s’intéresserait