Page:Edmond-Mandey-La Vertu d Alfred-1924.djvu/4

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 2 —

— Oui fit-elle, se parlant toujours à elle-même, je suis belle et pourtant je suis trompée !

Éternel mystère de l’amour. Cette femme qui semblait être la plus désirable des maîtresses, avait une rivale.

La veille, elle avait découvert chez son amant une lettre de femme.

Quel instinct l’avait poussée à ramasser dans une corbeille ces lambeaux de papier déchirés ? Elle n’aurait su le dire.

Toujours est-il que la vue de ces débris l’avait fascinée ? Sans doute le papier parfumé avait-il décelé à son esprit féminin une correspondance amoureuse.

Elle s’était emparé des morceaux de la lettre qu’elle avait enfouis précipitamment dans son sac. Et le soir, rentrée chez elle, seule, dans sa chambre, elle les avait patiemment recollés sur une feuille de papier.

Ce jeu de puzzle délicat et difficile lui avait demandé trois longues heures.

Pendant ce temps, ses nerfs avaient été à une rude épreuve.

Pourtant elle y était parvenue, et, une fois les morceaux froissés dépliés, rapprochés les uns des autres après une minutieuse attention, elle avait enfin pu lire et se convaincre de son infortune. Alors, les mots et les lettres, tracés cependant d’une écriture très fine, lui étaient apparus gigantesques et l’avaient frappée comme autant de coups de stylet.

Voici, en effet, ce qu’elle avait lu sur la missive reconstituée :

« Mon grand chéri,

« Je serai chez toi demain matin à onze heures comme convenu, puisque tu seras seul.

« Je me fais une fête de déjeuner en tête à tête avec toi, comme l’autre jour, et de passer ensuite ensemble une bonne après midi pendant laquelle nous serons complètement l’un à l’autre et pourrons nous aimer tant que nous voudrons.

« Que la journée va être longue, mon Paul, en attendant demain matin. Jamais cela n’arrivera.

« Ta Jeanne impatiente de t’appartenir et de se pâmer sous tes baisers. »