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délaissée qui se résigne à son sort, tout en gardant un bon souvenir des moments d’autrefois. Et elle terminait en disant :

« Je te laisse aller vers celle que tu m’as préférée. On ne peut pas forcer quelqu’un à vous aimer toujours. Ce que je te demande seulement, c’est de me garder un peu d’amitié en souvenir du passé. »

Adrienne relut deux fois les lettres, puis, satisfaite de leur rédaction, elle les cacheta et les fit porter à la poste.

Lorsque Jeanne et Paul reçurent, dans la soirée, cette étrange correspondance, ils ne surent que penser.

Le soir, en se retrouvant dans la garçonnière du jeune avocat, ils échangèrent leurs impressions.

— Crois-tu, disait Jeanne, ce qu’elle a osé m’écrire. Elle me dégoûte, c’est un manque de dignité comme on n’en a jamais vu. J’aimais encore mieux ses menaces.

Moi aussi, opinait Paul, qui était vexé au fond de la phrase d’Adrienne sur l’amour remplacé par l’habitude.

— J’espère bien que tu ne remettras pas les pieds chez elle.

— Oh non !

— Fais bien attention, C’est là qu’est la ruse ! Elle veut te reprendre.

— Mais elle n’y réussira pas. C’est fini, bien fini entre elle et moi à présent.

— Bien sûr… Tu me le jures !

— Je te le jure.

Et un baiser ponctua ce serment.

— En tous cas, observa Jeanne, cela prouve qu’elle est convaincue qu’il n’y a rien à faire pour le moment…

— Ni pour le moment, ni jamais…

Après quelques instants de silence, Jeanne reprit :

— Ça ne fait rien. On devrait tout de même y aller une fois, rien qu’une fois pour voir quel accueil elle nous ferait. D’abord, c’est nouveau, elle qui ne voulait jamais recevoir personne…

— Nous irons si tu veux, déclara Paul. Moi, tu sais, je n’y tiens pas…

— Tu n’es pas sûr de toi ?