Une grave question se posait pour lui : embrasserait-il, n’embrasserait-il pas ?
Valait-il mieux attendre que la tante lui ouvrit les bras, ou, le premier, s’élancer vers elle pour lui prouver son affection ? Grave problème que l’esprit du jeune homme ne pouvait résoudre.
Et Alfred pensait que la vie était bien compliquée surtout lorsqu’il s’agissait de plaire à une tante riche afin d’obtenir d’elle une dot pour se marier !…
Pour se donner du courage, il pensait à Aglaé qui l’attendait… Mais, par un étrange phénomène, chaque fois qu’il voulait penser à Aglaé, l’image d’une autre personne s’interposait entre lui et sa fiancée, d’une autre personne, laquelle avait l’aspect, les traits et le sourire — surtout le sourire — de la servante qui lui avait ouvert la porte lorsqu’il était arrivé…
Alfred comparait… Et, comme Aglaé était à cent lieues de là, qu’elle était d’ailleurs loin d’avoir le piquant et le charme excitant de Julie… la comparaison n’était pas en sa faveur. Pauvre Aglaé ! Alfred pensait déjà atténuer l’ennui de trop longues fiançailles en se distrayant avec la femme de chambre de sa tante.
Il y pensait précisément lorsque Julie entra et lui dit toujours avec le sourire aux lèvres :
— Madame attend M. Alfred.
M. Alfred sentit ses jambes vaciller sous lui… Il dut rougir ou pâlir, car Julie remarqua son émotion et lui dit :
— Oh ! N’ayez pas peur, allez. Elle ne vous mangera pas…
Le jeune homme eut honte d’avoir montré son trouble. Il se raidit pour répondre :
— Je n’ai pas peur… De quoi donc aurais-je peur ?
— Dame… on ne sait pas… quand on est timide…
Et Julie, en prononçant cette dernière phrase, lança à Alfred un coup d’œil qui le fit rougir de nouveau jusqu’aux oreilles…
Néanmoins, ce fut d’un pas décidé qu’il pénétra dans la salle à manger où deux couverts, le sien et celui de sa parente, étaient disposés sur la table.