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rappelais plus votre nom. Madame est justement sortie, mais ça ne fait rien, j’ai l’ordre de vous recevoir… Vous attendrez son retour dans le petit salon.

Et Julie conduisit le nouveau venu dans la pièce qui lui était destinée comme chambre à coucher. Elle lui indiqua un cabinet de toilette où il pouvait se défaire de la poussière du train, puis se retira toujours en souriant.

Ce n’était évidemment pas là « l’accueil poli, sans plus » recommandé à Julie le matin même par sa maîtresse. Mais la camériste s’était dit qu’après tout elle ne gagnerait rien à recevoir avec une mine revêche un jeune homme de vingt ans, et que, tout bien réfléchi, il valait mieux commencer par créer un courant de sympathie entre elle et le nouvel arrivant.

Quant à Alfred, il restait surpris. Il ne s’attendait certainement pas à être reçu par une vieille bonne grincheuse telle que l’était Catherine, la servante de ses parents. Cependant il ne comptait pas non plus se trouver, dès son arrivée, en présence du joli minois d’une femme de chambre à l’air effronté, dont il ne savait pas si elle lui souriait amicalement ou si elle se moquait de sa contenance embarrassée.

Comme on prend toujours ses désirs pour la réalité, il se décida en faveur de la première hypothèse et se prit à penser que la présence à côté de lui de cette servante peu farouche n’aurait rien de désagréable, au contraire…

Il fit une longue toilette pour se présenter à sa tante sous l’aspect le plus favorable, et attendit impatiemment le retour de celle-ci.

Adrienne, qui avait à peine déjeuné, encore sous le coup des événements de la matinée, n’avait pu rester chez elle, et elle était sortie, sans but, se rendant dans les magasins où elle avait rudoyé les employés sans rien acheter, puis chez plusieurs amies, où cent fois elle avait ouvert la bouche pour raconter son infortune, puis s’était tue avant que d’en rien dire dans la crainte que les bonnes amies n’en profitassent pour rire à ses dépens.

Elle avait toute la journée ruminé son projet de vengeance,