Page:Edmond-Mandey-Dos-a-Dos-1910.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Insensibles aux regards d’or de l’ami du commandant, élevé au rang — en récompense des services rendus — de greffier principal, les deux plaideurs dont nous parlons refusèrent obstinément de choquer l’un contre l’autre les verres placés tout exprès à portée de leurs mains.

Le juge, à bout d’arguments, ébranla la table d’un formidable coup de poing, ce qui était toujours chez lui un signe de colère à grand’peine contenue.

Puis, plaignant et défendeur demeurant sourds à une dernière sommation, le magistrat se leva, superbe dans son veston de flanelle blanche laissant apercevoir la chemise largement ouverte. À défaut de majesté, l’ancien marin avait ses façons d’en imposer aux gens.

Il étendit donc les deux mains en même temps, saisit par l’épaule les deux obstinés plaideurs et, d’une poussée irrésistible, leur fit franchir la distance qui séparait sa salle d’audience de la porte de son jardin.

Le garde champêtre était à son poste, prêt à reconduire jusqu’à leur domicile ceux que les joies de la réconciliation rendaient par trop expansifs.