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CONTES ET NOUVELLES


DOS À DOS

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Le commandant Mathias semblait à ceux qui l’écoutaient l’un de ces marins d’autrefois, épargnés par la mort exprès sans doute pour transmettre aux générations à venir le souvenir d’exploits accomplis par des héros ignorés.

Le village que le commandant avait — selon son expression — choisi pour son dernier mouillage couronnait une ancienne falaise d’où l’œil pouvait suivre jusqu’à la mer le cours sinueux d’un fleuve. La maison qu’il habitait, rompant la régularité de la longue rue, s’élevait au milieu d’un jardin que terminait un mur servant à la fois de contrefort et de terrasse.

Un berceau de vigne, une tonnelle de forme rectangulaire, courait le long de la terrasse. Cette tonnelle était assez large pour qu’on pût s’y mouvoir à l’aise autour d’une grande table ronde. Dès les premiers jours du printemps, elle devenait à la fois le salon, la salle à manger et quelque peu aussi la chambre à coucher du commandant, qui y avait fait suspendre entre deux forts poteaux un hamac de grosse toile où il dormait lorsque les chaleurs de juillet rendaient moins habitable pour lui sa chambre habituelle.