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LIV. II. TIT. I. du Capitaine ; ART, XVI.

rien avoir qui ne ſoit à leur maître, & tout ce qui leur vient par induſtrie, ou par la libéralité d’autres perſonnes ou autrement à quelque titre que ce ſoit, être acquis en pleine propriété à leur maître, ſans que les enfans des eſclaves, leurs père & mère, leurs parens, & tous autres libres ou eſclaves puiſſent rien prétendre par ſucceſſion, diſpoſition entre vifs ou à cauſe de mort : lesquelles difpofitions nous déclarons nulles, enſemble toutes les promeſſes & obligations qu’ils auraient faites, comme étant faites par gens incapables de diſpoſer & : contracter de leur chef.

XXIX. Voulons néanmoins que les maîtres ſoient tenus de ce que les eſclaves auront fait par leur ordre & commandement, enſemble ce qu’ils auront géré & négocié dans la boutique, & pour l'eſpèce particulière du commerce à laquelle les maîtres les auront prépoſés ; ils ſeront tenus ſeulement juſqu’à concurrence de ce qui aura tourné au profit des maîtres ; le pécule deſdits eſclaves que leurs maîtres leur auront permis en ſera tenu, après que leurs maîtres en auront déduit par préférence ce qui pourra leur en être dû, ſi non que le pécule conſiſtant en tout ou partie en marchandiſes dont les eſclavcs auront permiſſion de faire trafic à part, ſur leſquelles leurs maîtres viendront ſeulement par contribution au ſol la livre avec les autres créanciers.

XXX. Ne pourront les eſclaves être pourvus d’offices ni de commiſſions ayant quelques fonctions publiques, ni être conſtitués agent par autres que leurs maîtres, pour agir & adminiſtrer aucun négoce, ni arbitres, experts ou témoins, tant en matière civile que criminelle ; & en cas qu’ils ſoient ouis en témoignage, leurs dépositions ne ferviront que de mémoires pour aider les Juges à s’éclaircir d'ailleurs, sans que l’on en puiſſe tirer aucune préſomption ni conjecture, ni adminicule de preuve.

XXXI. Ne pourront auſſi les eſclaves être partie ni en jugement ni en matière civile tant en demandant qu’en défendant, ni être partie civile en matière criminelle, & de pourſuivre en matière criminelle la réparation des outrages & excès qui auront été commis contre les eſclaves.

XXXII. Pourront les eſclaves être pourſuivis criminellement, ſans qu’il ſoit beſoin de rendre leurs maîtres parties, ſinon en cas de complicité : & ſeront leſdits eſclaves accuſés, jugés en première inſtance par les Juges ordinaires & par appel au Conseil Souverain ſur la même inſtruction, avec les mêmes formalités que les perſonnes libres.

XXXIII. L’eſclave qui aura frappé ſou maître ! ou la femme de ſon maître, ſa maîtreſſe, ou leurs enfans, avec contuſion de ſang, ou au viſage ſera puni de mort.

XXXIV. Et quant aux excès & voyes de fait qui ſeront commis par les eſclaves contre les perſonnes libres : voulons qu’ils ſoient ſévèrement punis, même de mort s'il y échet.

XXXV. Les vols qualifiés, même ceux des chevaux, cavales, mulets, bœufs & vaches qui auront été faits par les eſclaves ou par ceux affranchis, ſeront punis de peines afflictives, même de mort ſi le cas le requiert.

XXXVI. Les vols de moutons, chèvres, cochons, volailles, cannes de ſucre, pois, magnioc ou autres légumes, faits par les eſclaves, ſeront punis ſelon la qualité du vol, par les Juges, qui pourront, s’il y échet, les condamner à être battus de verges par l’Exécuteur de la haute-juſtice, & marqué à l’épaule d’une fleur de lys,

XXXVII. Seront tenus les maîtres en cas de vols ou autrement des dommages cauſés par leurs eſclaves, outre la peine corporelle des eſclaves, réparer les torts en leur nom, s’ils n’aiment mieux abandonner l’eſclave à celui auquel le tort a été fait, ce qu’ils ſeront tenus d’opter dans 3 jours, à compter du jour de la condamnation, autrement ils en feront déchus.

XXXVIII. L’eſclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que ſon maître l’aura dénoncé en juſtice, aura les oreilles coupées & ſera marqué d’une fleur de lys ſur une épaule, & s’il récidive un autre mois a compter pareillement du jour de la dénonciation, aura le jaret coupé & fera marqué d’une fleur de lys ſur l’autre épaule, & la troisième fois il ſera puni de mort.

XXXIX. Les affranchis qui auront donné retraite dans leurs maiſons aux eſclaves fugitifs, ſeront condamnés par corps envers leurs maîtres, en l’amende de trois cens livres de ſucres pour chacun jour de rétention.

XL. L’eſclave puni de mort ſur la dénonciation de ſon maître non complice du crime pour lequel il aura été condamné, ſera eſtimé avant l'exécution par deux des principaux habitans de l’iſle qui ſeront nommés d’office par le Juge, & le prix de l’eſtimation ſera payé au maître ; pour à quoi ſatisfaire, il ſera impoſé par l’Intendant ſur chacune tête de nègre payant droit, la femme portée par l’eſtimation, laquelle ſera régalée ſur chacun deſdits nègres, & levé par le fermier du Domaine Royal d’occident pour éviter à frais.

XLI. Défendons aux Juges, à nos Procureurs & aux Greffiers de prendre aucune taxe dans les procès criminels contre les eſclaves, à peine de conçuſſîon.

XLII. Pourront pareillement les maîtres, lorſqu’ils croiront que leurs eſclaves l’auront mérité, les faire enchaîner & les faire battre de verges ou de cordes, leur défendant de leur donner la torture ni de leur faire aucune mutilation de membre, à peine de confiſcation des eſclaves, & d’être procédé contre les maîtres extraordinairement.

XLIII. Enjoignons à nos Officiers de pourſuivre criminellement les maîtres ou les commandeurs qui auront tué un eſclave ſous leur puiſſance ou ſous leur direction, & de punir le maître ſelon l'atrocité des circonſtance, & en cas qu’il y ait lieu à l’abſolution, permettons à nos Officiers de renvoyer tant les maîtres que commandeurs abſous, ſans qu’ils ayent beſoin de nos grâces.

XLIV. Déclarons les eſclaves être meubles, & comme tels entrer en la communauté, n'avoir point de ſuite par hypothèque & partager également entre les cohéritiers ſans préciput ni droit d’aïneſſe, n’être ſujets au douaire coutumier, au retrait féodal & lignager, aux droits féodaux & ſeigneuriaux, aux formalités des décrets, ni aux retranchemens des quatre quints, en cas de diſpoſition à cauſe de mort ou teſtamentaire.