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rable que cet honnête Irlandais avoit conçue de ma littérature. Il prit les œuvres de Spencer, me les offrit, et je me levai pour lire le passage en question ; quels efforts ne feroit pas le plus paresseux des mortels pour conserver l’estime même exagérée, qu’il croit avoir inspirée ; je parvins à lire sans bâiller les dix vers suivans :

Funeste ambition ! sombre enfer des vivans,
S’il ne les a sentis, qui peindra tes tourmens ?
À poursuivre un objet qui s’éloigne sans cesse
On use les beaux jours de sa belle jeunesse ;
On abreuve ses nuits d’amertume et de pleurs,
Qu’attendent au réveil de plus vives douleurs ;
Agité par l’espoir, tourmenté par la crainte,
Ayant pour tout réfuge une inutile plainte,
Après des cris, des pas, des travaux superflus,
La fin de tant de peine est de n’espérer plus.

C’est plein de force, m’écriai-je, du ton d’un homme très-accoutumé à juger la poésie.