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toute bourgeonnée, ses membres furent pris d’un tremblement continuel, son intelligence s’obscurcit et on ne vit plus en lui qu’une victime de l’ivrognerie.

Il dépensa au cabaret tout ce qu’il avait mis de côté, et ses gages devinrent insuffisants. Il dut bientôt un gros compte ; puis, lorsqu’il se représenta, le maître du cabaret refusa de lui faire crédit. Un jour, cependant, que Tirebouchon se disputait avec lui et qu’il lui reprochait de ne pas traiter ses pratiques en gens comme il faut, le cabaretier lui répondit :

« Aussi longtemps que vous avez payé en homme comme il faut, je vous ai traité avec toute la déférence que vous méritiez ; mais aujourd’hui que vous êtes ruiné, pourquoi voulez-vous que je vous traite de la même façon ? »

Et il appela, pour répondre à cette question, des hommes qui buvaient dans le chambre voisine ; mais ces hommes prirent pitié du sommelier : ils le firent venir à leur table, lui offrirent un verre, se lièrent d’intimité avec lui et le firent jaser sur son état, ses occupations, la fortune de sa maîtresse, etc. Ces nouveaux amis engagèrent Tirebouchon à boire tant qu’il le désirait, car il importait à leurs secrètes pensées que le bonhomme perdît le raison.

Mme Churchill appartenait à une ancienne fa-