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derai pas à le prendre sur le fait. Je connais ses penchants ; je sais ce qu’il vaut, et madame fera bientôt justice de ce petit vaurien. »

Ces mots, prononcés avec dureté, firent sur Franklin une profonde impression. Mlle Pamfret put s’en apercevoir, lorsque Félix dit d’un air narquois, en voyant les larmes de Franklin :

« Ce sont des larmes de crocodile.

— Eh quoi ! se demanda Franklin avec douleur, lui aussi ? »

Et en effet, Félix qui traitait son camarade avec tant de morgue, n’avait reçu de lui que des marques de bonté. Tous les matins Franklin servait le déjeuner avant que Félix fût seulement descendu de sa chambre. Il préparait les tasses, le pain, le beurre, et tout ce dont Mme Churchill avait besoin : il évitait ainsi à son camarade une disgrâce certaine.

L’heure de la réparation n’était cependant pas aussi éloignée que Félix le croyait. Semblable à ces gens qui, parce qu’ils ont réussi quelquefois dans leurs coupables entreprises, se figurent ne devoir jamais être découverts, Félix était de plus en plus infidèle. Un jour, il se trouva sur le passage de sa maîtresse, qui lui demanda :

« Où vas-tu, Félix ?

— Je vais chez l’épicier, madame, répondit-il avec effronterie.