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Marianne. Voici pourtant des anguilles, monsieur. Permettez-moi de vous en offrir. Ce sont des anguilles à la tartare. Vous les préférez ainsi d’habitude.

Frédéric. D’habitude, oui, madame. Et c’est pour cela que j’en suis dégoûté. Mais vous me fatigueriez de tout. Je ne puis plus voir que des anguilles sur ma table… Qu’est-ce qu’il y a dans ce plat ?

Marianne. Du mouton, docteur, du mouton rôti. Voulez-vous être assez bon pour le couper ?

Frédéric. Le couper, madame, le couper ! C’est fort bien dit ; mais je n’en puis venir à bout. Ce mouton-là est dur comme du bois. J’aurais plus tôt fait de couper la table… Du mouton sans gras ! sans jus ! sans sauce ! brûlé jusqu’à l’os !… Je n’en veux pas. Emportez le plat et jetez-le du haut en bas des escaliers à la cuisinière. Il est vraiment déplorable, madame Carbuncle, que je ne puisse jamais, au grand jamais, avoir rien de mangeable à dîner ; oui, madame Carbuncle, et cela depuis que nous sommes mariés. Je suis pourtant l’homme du monde le plus facile à contenter pour le dîner. C’est extraordinaire, madame Carbuncle, en vérité !… Qu’avez-vous là-bas dans ce coin, sous un couvercle ?

marianne. Des pâtés, docteur ; des pâtés d’huîtres.