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superbe combattant, et Laurent m’ayant dit que tu aimais beaucoup ce spectacle, je venais t’inviter. »

Laurent n’ajouta pas un seul mot sur le plaisir qu’on éprouverait ni sur les chances de son compagnon ; mais Jean, saisi, en regardant le valet, d’un sentiment de dégoût et presque d’effroi, dit d’une voix basse à Laurent :

« Tu pourras donc assister de gaieté de cœur à l’aveuglement de ce pauvre animal ?

— Je ne pense pas qu’il soit aveugle. J’ai entendu dire qu’un combat de coqs est un beau spectacle, et je ne serai pas plus cruel que tout autre en y allant. Je ne puis pas, du reste, faire autrement ; ainsi, j’irai.

— Mais moi, je puis faire autrement, dit Jean, et je n’irai pas.

— Tu sais que c’est lundi la grande foire de Bristol, et qu’on s’amuse plus ce jour-là que tous les autres jours de l’année.

— Ce n’est pas trop, ajouta le valet d’écurie, de s’amuser un jour par année.

— Mais, répondit Jean, je m’amuse pendant toute l’année.

— C’est singulier, dit Laurent ; quant à moi, je ne voudrais pas, pour tout au monde, manquer d’aller à la foire, au risque de rester ensuite la moitié de l’année sans m’amuser. Allons ! viens avec nous.