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qu’elle prit l’habitude de boire et de chercher dans l’usage des liqueurs fortes une espèce de consolation à ses désappointements continuels.

La mère Tâtonneuse approchait cependant de sa soixantième année sans avoir jamais eu un jour de bonheur. Elle n’avait pas un lit pour se coucher, pas un toit pour s’abriter, pas un morceau de pain pour manger. Elle vivait de la charité publique, et espérait plus du hasard que de son courage et de son activité.

« Marie, dit-elle, donnez-moi une pomme de terre et quelque autre chose. Je n’ai rien pris ce matin.

— Rien du tout ?

— Mais non ; rien qu’un verre d’eau-de-vie et pour un sou de tabac. »

Marie lui donna aussitôt du lait et la plus grosse de ses pommes de terre ; elle était désolée devoir une femme si âgée réduite à une pareille condition. La vieille disait qu’elle aimait mieux l’eau-de-vie que le lait ; mais Marie n’en avait pas à lui donner. Alors elle prit son parti, s’assit en grommelant près du foyer et après un moment de silence :

« Qu’avez-vous fait, dit-elle, du trésor que vous avez trouvé ?

— Nous l’avons porté à M. Hopkins, répondit Marie.