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mon égard comme du résultat le plus douloureux de sa situation, et je n’avais vraiment aucune raison de douter de la sincérité de son amitié. Plus d’une fois il avait résolu de révéler aux mutins le secret de ma présence à bord ; mais il avait été retenu en partie par le souvenir des atrocités dont il avait été témoin, et en partie par l’espérance de pouvoir bientôt me porter secours. Pour y arriver, il était constamment aux aguets ; mais, en dépit de la plus opiniâtre vigilance, trois jours s’écoulèrent, depuis qu’on avait abandonné le canot à la dérive, avant qu’une bonne chance se présentât. Enfin, le soir du troisième jour, un fort grain arriva de l’est et tous les hommes furent occupés à serrer la toile. Grâce à la confusion qui s’ensuivit, il put descendre sans être vu et entrer dans sa chambre. Quels furent son chagrin et son effroi en découvrant qu’on en avait fait un lieu de dépôt pour des provisions et une partie du matériel de bord, et que plusieurs brasses de vieilles chaînes, qui étaient primitivement arrimées sous l’échelle de la chambre, en avaient été retirées pour faire place à une caisse, et se trouvaient maintenant juste sur la trappe ! Les retirer sans être découvert était chose impossible ; il était donc remonté sur le pont aussi vite qu’il avait pu. Comme il arrivait, le second le saisit à la gorge, lui demanda ce qu’il était allé faire dans la cabine, et il était au moment de le jeter par-dessus le mur de bâbord, quand Dirk Peters intervint, qui lui sauva encore une fois la vie. On lui mit alors les menottes (il y en avait plusieurs paires à bord), et on lui attacha étroitement les pieds. Puis on le porta dans la chambre de l’équipage et on le jeta dans