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mais point de mât, point de voile, point d’avirons, point de boussole. Puis l’embarcation fut remorquée à l’arrière pour quelques minutes, pendant lesquelles les révoltés tinrent de nouveau conseil ; — enfin ils lâchèrent le canot à la dérive. Pendant ce temps, la nuit était venue, — on ne voyait ni lune ni étoiles, — et la mer devenait courte et mauvaise, bien qu’il n’y eût pas une forte brise. Le canot se trouva tout de suite hors de vue, et il ne fallut conserver que bien peu d’espoir pour les infortunés qu’il portait. Cet événement, toutefois, se passait au 35° 30′ de latitude nord et 61° 20′ de longitude ouest, conséquemment à une distance assez médiocre des Bermudes. Auguste s’efforça donc de se consoler en pensant que le canot réussirait peut-être à atteindre la terre, ou qu’il s’en rapprocherait suffisamment pour rencontrer quelqu’un des bâtiments de la côte.

On mit alors toutes voiles dehors, et le brick continua sa route vers le sud-ouest, — les mutins ayant en vue quelque expédition de piraterie ; il s’agissait, autant qu’Auguste avait pu comprendre, de surprendre et d’arrêter un navire qui devait faire route des Îles du Cap-Vert à Porto-Rico. On ne fit aucune attention à Auguste, qui fut délié et put aller librement partout en avant de l’échelle de la cabine. Dirk Peters le traita avec une certaine bonté, et dans une circonstance il le sauva de la brutalité du coq. Sa position était toujours des plus tristes et des plus difficiles, car les hommes étaient continuellement ivres, et il ne fallait pas faire grand fonds sur leur bonne humeur présente et leur insouciance relativement à lui. Cependant il me parla de son inquiétude à