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je ronflais très-haut. D’après toutes les conjectures que j’ai pu faire sur ce sujet, ce devait être ce malheureux assoupissement dans lequel je tombai juste après être revenu de la trappe avec la montre, sommeil qui a dû, conséquemment, durer plus de trois nuits et trois jours entiers pour le moins. Tout récemment, j’avais appris à connaître, par ma propre expérience et par le témoignage des autres, les puissants effets soporifiques de l’odeur de la vieille huile de poisson quand elle est étroitement renfermée ; et quand je pense à l’état de la cale dans laquelle j’étais emprisonné et au long espace de temps durant lequel le brick avait servi comme baleinier, je suis bien plus porté à m’étonner d’avoir pu me réveiller, une fois tombé dans ce dangereux sommeil, que d’avoir dormi sans interruption pendant tout le temps en question.

Auguste m’appela d’abord à voix basse et sans fermer la trappe, — mais je ne fis aucune réponse. Il ferma alors la trappe, et me parla sur un ton plus élevé, et enfin sur un diapason très haut, — mais je continuais toujours à ronfler. Il lui fallait quelque temps pour traverser tout le pêle-mêle de la cale et arriver jusqu’à ma guérite, et pendant ce temps-là son absence pouvait être remarquée par le capitaine Barnard, qui avait besoin de ses services à chaque minute pour mettre en ordre et transcrire des papiers relatifs au but du voyage. Il résolut donc, toute réflexion faite, de remonter et d’attendre une autre occasion pour me rendre visite. Il fut d’autant plus incliné à prendre ce parti, que mon sommeil semblait être du caractère le plus paisible, et il ne pouvait pas supposer que