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de lire me coupaient ces deux ressources finales ! Alors, pour la première fois, je sentis toute la misère de ma destinée. Dans un paroxysme de désespoir, je me rejetai sur le matelas, où je restai étendu, durant tout un jour et une nuit environ, dans une espèce de stupeur que traversaient par instants quelques lueurs de raison et de mémoire.

À la longue, je me levai une fois encore, et je m’occupai à réfléchir sur les horreurs qui m’environnaient. Il m’était bien difficile de vivre encore vingt-quatre heures sans eau ; — au delà, c’était chose impossible. Durant la première période de ma réclusion, j’avais librement usé des liqueurs dont Auguste m’avait pourvu, mais elles n’avaient servi qu’à exciter ma fièvre, sans apaiser ma soif le moins du monde. Il ne me restait plus maintenant que le quart d’une pinte, et c’était une espèce de forte liqueur de noyau qui me faisait lever le cœur. Les saucissons étaient entièrement consommés ; du jambon il ne restait qu’un petit morceau de la peau ; et, sauf quelques débris d’un seul biscuit, tout le reste avait été dévoré par Tigre. Pour ajouter à mes angoisses, je sentais que mon mal de tête augmentait à chaque instant, toujours accompagné de cette espèce de délire qui m’avait plus ou moins tourmenté depuis mon premier assoupissement. Depuis plusieurs heures déjà, je ne pouvais plus respirer qu’avec la plus grande difficulté, et maintenant chaque effort de respiration était suivi d’un mouvement spasmodique de la poitrine des plus alarmants. Mais j’avais encore une autre raison d’inquiétude, d’un genre tout à fait différent, et c’étaient les fatigantes terreurs qui en résultaient qui m’avaient surtout arraché à ma torpeur et m’avaient con-