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suivait le corps principal des sauvages, qui observait un ordre et un décorum tout à fait insolites.

Dirk Peters, un nommé Wilson Allen et moi, nous marchions à la droite de nos camarades, examinant tout le long de notre route les singulières stratifications de la muraille qui surplombait au-dessus de nos têtes. Une fissure dans la roche tendre attira notre attention. Elle était assez large pour permettre à un homme d’y entrer sans se serrer, et elle s’enfonçait dans la montagne à dix-huit ou vingt pieds en droite ligne, biaisant ensuite vers la gauche. La hauteur de cette ouverture, aussi loin que notre regard put pénétrer, était peut-être de soixante ou soixante-dix pieds. À travers les crevasses s’allongeaient deux ou trois arbustes rabougris, rappelant un peu le coudrier, que j’eus la curiosité d’examiner ; m’avançant vivement dans ce but, je détachai cinq ou six noisettes d’une grappe, et je me retirai en toute hâte. Comme je me retournais, je vis que Peters et Allen m’avaient suivi. Je les priai de reculer, parce qu’il n’y avait pas place pour laisser passer deux personnes, et je leur dis que je leur donnerais quelques-unes de mes noisettes. En conséquence ils se retournèrent, et ils se faufilaient vers la route, Allen étant presque à l’orifice de la crevasse, quand j’éprouvai soudainement une secousse qui ne ressemblait à rien qui m’eût été familier jusqu’alors et qui m’inspira comme une vague idée (si en vérité je puis dire que j’eus une idée quelconque) que les fondations de notre globe massif s’entrouvraient tout à coup, et que nous touchions à l’heure de la destruction universelle.