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cessité de persévérer, au moins pendant quelques jours encore, dans la direction suivie jusqu’alors. Une occasion aussi tentante de résoudre le grand problème relatif à un continent antarctique ne s’était encore présentée à aucun homme, et je confesse que je me sentais gonflé d’indignation à chacune des timides et inopportunes suggestions de notre commandant. Je crois positivement que tout ce que je ne pus m’empêcher de lui dire à ce sujet eut pour effet de le raffermir dans l’idée de pousser de l’avant. Aussi, bien que je sois obligé de déplorer les tristes et sanglants événements qui furent le résultat immédiat de mon conseil, je crois que j’ai droit de me féliciter un peu d’avoir été, jusqu’à un certain point, l’instrument d’une découverte, et d’avoir servi en quelque façon à ouvrir aux yeux de la science un des plus enthousiasmants secrets qui aient jamais accaparé son attention.

XVIII

HOMMES NOUVEAUX.

18 janvier. — Ce matin-là[1] nous reprîmes notre route vers le sud, avec un temps aussi beau que les jours précédents. La mer était complètement unie, le vent

  1. Les termes matin et soir, dont j’ai fait usage pour éviter, autant que possible, la confusion dans mon récit, ne doivent pas, comme on le comprend d’ailleurs, être pris dans le sens ordinaire. Depuis longtemps déjà nous ne connaissions plus la nuit, et nous étions sans cesse éclairés par la lumière du jour. Toutes les dates sont établies conformément au temps nautique, et les notes relevées par quantités de durée abstraite. C’est aussi le lieu de remarquer que je ne prétends pas, dans le commencement de cette partie de mon récit, à une exactitude minutieuse à l’égard des dates, des latitudes et des longitudes ; je n’ai commencé à tenir un journal régulier qu’après la période dont traite cette première partie. Dans beaucoup de cas, je me suis fié uniquement à ma mémoire. — E. A. P.