Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en ce moment être considérés comme jouissant des lumières des êtres raisonnables. Dans des périls subséquents, presque aussi graves, si ce n’est plus, j’ai lutté avec courage contre toutes les douleurs de ma situation, et Peters, comme on le verra, a montré une philosophie stoïque presque aussi inconcevable que son abandon actuel et sa présente imbécillité enfantine ; — le tempérament moral a fait toute la différence.

Le renversement du brick, et même la perte du vin et de la tortue qui en était la conséquence, n’avaient pas, en somme, rendu notre situation beaucoup plus misérable qu’auparavant, n’était la disparition des draps et des couvertures, qui nous avaient servi jusqu’ici à recueillir l’eau de pluie, et de la cruche dans laquelle nous la conservions ; car nous trouvâmes toute la carène, à partir de deux ou trois pieds de la préceinte jusqu’à la quille, et toute la quille elle-même, recouvertes d’une couche épaisse de gros cirrhopodes, qui nous fournirent une nourriture excellente et des plus substantielles. Ainsi l’accident qui d’abord nous avait causé une si grande frayeur avait tourné à notre profit plutôt qu’à notre dommage, relativement à deux choses des plus importantes ; il nous avait découvert une mine de provisions que nous n’aurions pas pu, même en l’attaquant sans modération, épuiser en un mois ; et il avait fortement contribué à alléger notre position, car nous nous trouvions maintenant bien plus à notre aise et infiniment moins exposés qu’auparavant.

Cependant la difficulté de nous procurer de l’eau nous fermait les yeux sur tous les bénéfices résultant de notre