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pent. Elles peuvent vivre sans manger pendant un temps si long que c’est presque incroyable, et l’on cite des cas où des tortues de cette espèce ont été jetées dans la cale d’un navire et y sont restées deux ans sans aucune nourriture, aussi grasses et à tous égards aussi bien portantes à l’expiration de ce terme qu’au moment même où on les y avait mises. Par une particularité de leur organisme ces singuliers animaux ressemblent au dromadaire ou chameau du désert. Elles portent toujours une provision d’eau dans une poche à la naissance du cou. En les tuant après les avoir privées de toute nourriture pendant une année entière, on a quelquefois trouvé dans la poche de quelques-unes de ces tortues jusqu’à trois gallons d’eau parfaitement douce et fraîche. Elles mangent principalement du persil sauvage et du céleri, avec du pourpier, de la soude et des raquettes, ce dernier végétal, qui leur profite d’une manière étonnante, existant en grande abondance sur le versant des collines près du rivage où l’on trouve l’animal lui-même. Cette tortue, un aliment excellent et des plus substantiels, a servi sans aucun doute à conserver l’existence de milliers de marins employés à la pêche de la baleine et autres spéculations dans le Pacifique.

Celle que nous eûmes la chance de rapporter de la cambuse n’était pas très-grosse et pesait probablement soixante-cinq ou soixante-dix livres. C’était une femelle, dans un état excellent, excessivement grasse, et ayant dans son sac plus d’un quart de gallon d’eau douce et limpide. C’était vraiment un trésor ; et, tombant sur nos genoux d’un commun accord, nous rendîmes à Dieu des actions