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Mardi, 10 février 1829.

J’ai trouvé Goethe entouré de cartes et de plans tracés à propos de la construction du port de Brème ; il s’intéresse beaucoup à cette grande entreprise[1]. — Parlé de Merck ; Goethe m’a lu de lui une lettre adressée à Wieland en 1776, écrite en petits vers spirituels et mordants ; elle est dirigée surtout contre Jacobi, que Wieland paraît avoir trop loué dans un article du Mercure, ce que Merck ne peut lui pardonner. — Parlé de l’état des esprits à cette époque et de la difficulté qu’il y avait à sortir de cette ère de tempête et d’aspirations impétueuses, comme on l’appelle, pour arriver enfin à des idées plus hautes. — Parlé de ses premières années à Weimar. Son talent poétique était en conflit avec la réalité, qu’il était obligé d’approcher et de connaître, à cause de ses fonctions à la cour et dans diverses branches du service public. Aussi, dans les dix premières années, il ne produisit en fait d’œuvres poétiques rien d’important. — Lu des fragments de ce temps. Amourettes qui l’arrêtaient. Son père supportait toujours avec impatience sa vie de cour. Avantages qu’il a retirés à ne pas changer de résidence, ce qui lui a évité de faire deux fois les mêmes expériences. Fuite en Italie, pour se rendre la fécondité poétique. Idée superstitieuse : il ne partira pas, si quelqu’un sait son projet d’avance. Pour cette raison, profond secret. De Rome il écrit au duc. Retour d’Italie ; il exige alors beaucoup de lui-même. — La duchesse Amélie, princesse accomplie ; caractère très-naturel, du goût pour les jouissances de la vie. Elle aimait beaucoup la mère de Goethe, elle désire la faire venir pour toujours à Weimar.

  1. Goethe a de même étudié avec le plus grand soin tous les plans tracés par Brunel pour le tunnel de Londres.