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« — C’était dans son temps une très-bonne pièce, et elle nous a procuré plus d’une joyeuse soirée. À la vérité, elle était très-bien distribuée, et si bien étudiée, que le dialogue roulait avec une vie admirable. — Malkolmi jouait Martin ; on ne pouvait rien voir de plus parfait. »

« Le rôle de Schnaps, dis-je, me paraît aussi très-heureux ; je crois que le répertoire n’en possède pas beaucoup de meilleurs. Il y a dans cette figure, comme dans la pièce entière, toute la clarté, toute la vie que le théâtre peut désirer. La scène dans laquelle Schnaps arrive avec la valise, sort les objets les uns après les autres, colle une paire de moustaches à Martin, et se met à lui-même le bonnet de la liberté, l’uniforme et l’épée, est une des meilleures qui existent. »

« — Autrefois, sur notre théâtre, cette scène réussissait toujours beaucoup. Ce qui contribuait encore au succès, c’est que le sac de nuit et les objets qu’il renfermait appartenaient vraiment à l’histoire. J’avais trouvé ce sac de nuit pendant le voyage que j’ai fait, au temps de la Révolution, sur la frontière française ; un des émigrés, en fuyant, l’avait sans doute perdu ou jeté. Il renfermait tous les objets dont la pièce parle ; c’est en les ayant sous les yeux que j’écrivis la scène, et à la grande joie de nos acteurs, ce sac de nuit et tous les accessoires jouaient leur rôle toutes les fois que l’on donnait la pièce. »

Nous discutâmes encore un peu sur l’intérêt et l’utilité que pourrait avoir une représentation du Citoyen général, puis Goethe me fit des questions sur mes progrès dans la littérature française. Je lui dis que j’étudiais toujours Voltaire, et que le grand talent de cet écrivain me donnait les plus vifs plaisirs. — « Je ne connais encore