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« — J’ai aussi assez d’estime pour ces deux poésies, me dit Goethe, mais cependant le public allemand jusqu’à présent ne paraît pas en faire grand cas. »

« Dans la première ballade, dis-je, un sujet très-riche, grâce aux formes poétiques et à toutes les ruses de l’art, a pu être renfermé dans un étroit espace, et parmi les moyens employés, j’admire surtout l’idée d’avoir fait de toute la partie ancienne de l’histoire un récit, et de n’avoir mis que la seconde partie en tableau se déroulant devant nos yeux. »

« Avant d’écrire cette ballade, je l’ai longtemps portée en moi ; elle contient des années de réflexion, et avant de réussir à l’écrire comme elle est actuellement, je l’avais manquée trois ou quatre fois. »

« La pièce des Heureux Époux[1] continuai-je, est également très-riche d’idées poétiques ; on y aperçoit des paysages entiers, des existences tout entières, et sur toutes les scènes sont répandus la douce chaleur et l’aimable éclat d’un soleil et d’un ciel printaniers. »

« — J’ai toujours aimé cette poésie, dit Goethe, et je vous vois avec plaisir lui accorder un intérêt marqué. La conclusion du double baptême me semblait assez joliment trouvée. »

Nous parlâmes ensuite du Citoyen général. Je lui racontai que ces jours derniers j’avais lu cette amusante pièce avec un Anglais, et que tous deux nous avions vivement désiré la voir sur le théâtre. — « L’esprit de la pièce, dis-je, n’a pas vieilli, et dans le détail du développement dramatique tout semble calculé pour la scène. »

  1. Poésies, traduites par M. Blaze de Bury, p. 46.