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visible sur les rares qualités de la princesse régnante[1], qui s’appliquait avec tant de noblesse à calmer partout les souffrances et à faire prospérer tous les germes heureux.

« Elle a toujours été pour le pays un bon ange, dit-il et le deviendra davantage à mesure qu’elle lui sera plus attachée. Je connais la grande-duchesse depuis 1805 et j’ai eu une foule d’occasions d’admirer son esprit et son caractère. C’est une des femmes les meilleures et les plus remarquables de notre temps, et elle le serait même sans être princesse. C’est là le signe vrai : il faut que, même en déposant la pourpre, il reste encore dans celui qui la porte beaucoup de grandes qualités, les meilleures même. »

Nous causâmes alors de l’unité de l’Allemagne, cherchant comment elle était possible et en quoi elle était désirable.

« Je ne crains pas que l’Allemagne n’arrive pas à son unité, dit Goethe ; nos bonnes routes et les chemins de fer qui se construiront feront leur œuvre. Mais, avant tout, qu’il y ait partout de l’affection réciproque, et qu’il y ait de l’union contre l’ennemi extérieur. Qu’elle soit une, en ce sens que le thaler et le silbergroschen aient dans tout l’empire la même valeur ; une, en ce sens que mon sac de voyage puisse traverser les trente-six États sans être ouvert ; une, en ce sens que le passe-port donné aux bourgeois de Weimar par la ville ne soit pas à la frontière considéré par l’employé d’un grand État voisin comme nul, et comme l’égal d’un passe-port étranger.

  1. Maria Paulowna, née en 1786, morte en 1859. — C’est à elle qu’Eckermann dédia les Conversations de Goethe.