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du même pas. Si vous me demandez quel opéra je trouve bon, je vous citerai le Porteur d’eau[1] car la pièce est si bonne qu’on la donnerait et qu’on la verrait seule avec plaisir. Les compositeurs ne comprennent pas l’importance d’un bon sujet, ou bien il leur manque des poëtes qui s’entendent à leur écrire de bons poëmes. Si le Franc archer n’était pas un sujet aussi heureux, la musique aurait eu de la peine à donner à l’opéra la popularité dont il jouit ; on devrait donc avoir aussi quelque considération pour M. Kind[2]. »

Nous parlâmes ensuite du voyage en Italie du professeur Gœttling.

« Je ne peux reprocher à ce bon ami de parler de l’Italie avec cet enthousiasme, car je sais l’effet qu’elle a produit sur moi !… Je peux dire que c’est seulement à Rome que j’ai senti ce que c’est vraiment qu’un homme ! Plus tard, je n’ai plus joui d’émotions aussi hautes, aussi heureuses, et vraiment je n’ai jamais retrouvé cette joie que je sentais en moi pendant mon séjour à Rome !… Mais ne nous laissons pas entraîner à des idées mélancoliques, dit-il après une pause. — Comment cela va-t-il avec la Jolie Fille de Perth ? Racontez-moi vos impressions. »

« — Je lis lentement ; je suis cependant arrivé à la scène où Proutfut, ayant revêtu l’armure de Henri Smith, dont il imite la démarche et la manière de siffler, est frappé, et trouvé le lendemain matin dans la rue par les bourgeois de Perth, qui le prennent pour Henri Smith et mettent toute la ville en alarme. »

  1. Nom allemand des Deux Journées, paroles de Bouilly, musique de Chérubini.
  2. Auteur des paroles du Freyschütz.