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LOUIS-NAPOLÉON, ROI DE HOLLANDE (PEINT EN 1806).

Nous prenons ce portrait avec tristesse, et cependant avec plaisir, car nous voyons là, devant nous, cet homme que nous avions personnellement tant de raisons pour estimer hautement, mais qui est perdu pour nous. Il nous regarde avec son beau visage loyal et honnête, mais nous ne l’avons pas connu et n’aurions pu le connaître sous ce déguisement. Il porte une espèce de costume espagnol ; le gilet, l’écharpe, le manteau et le jabot sont ornés de broderies, de franges, de rubans d’ordres. Il est assis, dans l’attitude d’une réflexion paisible ; son costume est tout entier de couleur blanche ; sa main droite tient une toque sombre, garnie de plumes claires ; sa main gauche, appuyée sur un épais coussin, tient une courte épée ; derrière lui est un casque de tournoi. Ce tableau, parfaitement composé, peut plaire aux yeux par son harmonie, mais il ne peut plaire à notre esprit, peut-être parce que nous avons fait la connaissance de cet homme excellent lorsqu’il était dépouillé de toutes ces parures, et ne cherchait plus, dans une situation privée, qu’à cultiver la délicatesse de son sens moral, et à suivre son penchant pour les travaux esthétiques. J’ai déjà été tenté souvent d’écrire quelques observations sur ses petites poésies, si aimables, et sur sa tragédie de Lucrèce, mais j’ai toujours été arrêté, comme je le suis encore maintenant, par la crainte d’abuser d’une amitié qui m’avait été accordée avec tant de bienveillance.


FRÉDÉRIC-AUGUSTE, ROI DE SAXE (PEINT EN 1809).

Le portrait précédent reproduisait une scène de représentation passagère ; dans celui-ci, au contraire, le personnage est saisi sous l’aspect qu’il présentait toujours. Nous voyons un souverain âgé, mais bien conservé, habillé d’un vêtement traditionnel ; ses traits nobles ont une tranquillité caractéristique. Il est devant nous tel qu’il était devant sa cour, tel que l’ont vu les siens et un nombre infini d’étrangers ; il porte un uniforme plus rapproché du costume de cour que du costume militaire ; il a la culotte courte ; son chapeau à plumes est sous son bras ; sa poitrine et ses épaules sont ornées, sans excès, d’ordres et de brandebourgs ; son visage régulier est grave et loyal ; les cheveux sont roulés à l’an-