Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous avons de nos jours des représentations des deux genres comme chez les Grecs. On peut dans le premier genre citer Wallenstein de Schiller. Il ne cherchait pas à imiter les anciens, car c’est contre sa volonté que le sujet, devenant, à mesure qu’il le traitait, de plus en plus riche, s’est trouvé divisé en trois parties. Suivant le goût moderne, il commence par une pièce satirique d’un caractère gai, le Camp. Dans les Piccolomini l’action grandit, des obstacles de toute nature se présentent, l’amour cherche à tout adoucir et à tout pacifier. La troisième partie, la mort de Wallenstein, présente l’intérêt tragique le plus profond ; tout se précipite à la catastrophe, et il est impossible d’émouvoir plus fortement les sens et l’âme.

Pour trouver un exemple moderne d’un spectacle correspondant à la seconde espèce de tétralogie grecque, il faut que nous passions les Alpes, et que nous allions chez les Italiens, nation vivant toujours tout entière dans le moment présent. Nous avons vu en ce pays jouer un grand opéra séria, en trois actes, dans les deux entr’actes duquel on donnait deux ballets qui n’avaient aucun rapport ni entre eux ni avec l’opéra lui-même ; le premier était un ballet héroïque ; le second un ballet comique, où les danseurs montraient la force et l’adresse de leurs jambes. Quand ce ballet comique était terminé, l’opéra séria continuait aussi gravement que si on n’avait assisté à aucun intermède burlesque, et le spectacle finissait par des scènes grandioses et solennelles. Nous avions là une Pentalogie, et elle était fort bien accueillie des spectateurs. — J’ai vu encore un autre exemple du même genre. On jouait une pièce de Goldoni, en trois actes, et entre les actes de la comédie on donna un opéra-comique en deux actes. Il n’y avait rien de commun entre ces deux œuvres, et cependant, quand le premier acte de la comédie était terminé, c’est avec grand plaisir que l’on entendait jouer immédiatement l’ouverture de l’opéra. Et après le brillant finale de cet acte d’opéra, on revenait très-agréablement à la prose du second acte de la comédie. L’esprit, excité une seconde fois par le plaisir musical, était d’autant plus curieux de connaître le dénoûment de la comédie. Les acteurs jouaient toujours dans la perfection, parce qu’ils se sentaient en lutte avec les chanteurs, et ils rassemblaient toutes leurs forces pour gagner des applaudissements qui, du reste, ne leur manquaient pas. La dernière partie de cette pentalogie était tout à fait analogue à la quatrième pièce de la tétralogie grecque ; elle laissait le specta-