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DE LA TÉTRALOGIE DES GRECS.
À propos d’un Programme de Hermann, 1819.

Cet essai est d’un connaisseur accompli qui sait rajeunir ce qui a vieilli, et ranimer ce qui est mort. Jusqu’à présent, on a pensé que la tétralogie des Grecs était un ensemble composé d’abord de trois pièces traitant le même sujet ; la première pièce était l’exposition ; l’événement principal qui servait de point de départ y était représenté ; la seconde pièce montrait les résultats tragiques, épouvantables de cet événement ; la troisième conduisait à une espèce de réconciliation ; elle était suivie d’une quatrième d’un caractère gai, ajoutée adroitement pour que le citoyen, ami du repos et de la tranquillité domestique, pût quitter le théâtre l’âme contente. Par exemple, dans une première pièce on voyait Agamemnon, dans une seconde Clytemnestre et Égisthe, dans une troisième Oreste, poursuivi par les furies, absous par l’aréopage ; la fête établie à Athènes en souvenir de ce fait pouvait fournir au génie l’occasion d’une pièce enjouée. Quoiqu’il fût facile de tirer de la mythologie grecque un grand nombre de trilogies, cependant on comprend que peu à peu il devint moins aisé d’y trouver un sujet qui n’eût pas été traité et qui dut se développer régulièrement en plusieurs parties. Le poëte alors n’a-t-il pas dû sentir que le peuple ne tenait aucunement à ce que les pièces fussent rattachées ensemble ? Ne dut-il pas user de l’avantage qu’il avait de s’adresser à une société légère et frivole ?… Ne dut-il pas laisser de côté les anciennes trilogies régulières, plutôt que de s’exposer à ne pas plaire ?… Pour nous, cela ne fait pas de doute, et nous croyons que M. Hermann a parfaitement raison de soutenir que la tétralogie se composait souvent de pièces différentes de forme, mais qui n’avaient rien de commun quant au sujet. Il y avait variété d’impression, mais non continuation de l’action. La première pièce devait offrir de grands événements d’un caractère frappant ; la seconde, par les chœurs et le chant, devait éveiller et charmer les sens, le cœur et l’esprit ; la troisième devait exciter l’enthousiasme par un grand luxe de décorations et par la splendeur du spectacle ; la quatrième, destinée à faire de joyeux adieux au spectateur, pouvait avoir toute la gaieté, toute la folie possible.