Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/470

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tres du même genre chez des hommes plus raisonnables que Ion ? Et justement, de nos jours, quel est l’homme qui ne laisse percer la conviction que, placé à la tête d’un régiment, il saurait fort bien se tirer d’affaire ?…

C’est avec une vraie malice aristophanesque que Platon lance ce dernier trait contre le pauvre pécheur, qui reste abasourdi ; Socrate lui donnant le choix entre le nom de fripon ou d’homme inspiré des dieux, naturellement il préfère le dernier, et remercie trés-poliment de l’honneur qu’on lui a fait en le tournant en ridicule. Oui, certes ! si ce Dialogue est un livre sacré, le théâtre d’Aristophane est un recueil pieux !

Où est l’homme qui nous éclaircira toutes les paroles des écrivains tels que Platon, nous montrant ici l’intention sérieuse, ailleurs la plaisanterie, ailleurs le sourire ; distinguant partout les idées principales des discussions accessoires ? Un tel travail nous rendrait un immense service et contribuerait infiniment à notre développement moral[1], car le temps est passé où les sibylles prononçaient leurs oracles au fond des abîmes ; nous exigeons de la critique, et nous voulons juger une œuvre, avant de l’accepter et d’y chercher des idées pour notre usage.


LES POËTES ÉLÉGIAQUES DE LA GRÈCE.
Par le docteur Weber. Francfort, 1826.

Aimable don fait par un esprit distingué à ceux qui, sans posséder la langue grecque, aiment à s’occuper de ce peuple unique et se plaisent à vivre avec lui dans les siècles les plus éloignés comme dans les temps les plus rapprochés. — Bien des pensées me sont venues dans l’esprit en lisant et en relisant ce livre si intéressant ; je veux au moins communiquer l’une d’elles.

De quelque nature que soient les idées exprimées par un poëte, nous avons l’habitude de leur donner un sens général et de les appliquer, autant que faire se peut, à notre situation particulière. Beaucoup de passages reçoivent ainsi un sens tout différent de celui

  1. En France, nous connaissons tous un traducteur de Platon qui a rempli parfaitement tous les vœux de Goethe, et qui a rendu au monde lettré « l’immense service » qu’il réclamait.