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Madame de Gœthe entra et se plaça avec nous à table.

« Mais n’est-ce pas, continua gaiement Goethe, la Jolie fille de Perth de Walter Scott ? quel charmant ouvrage ! Voilà qui est fait ! Voilà une main ! Pour l’ensemble, un plan fermement tracé : et pour le détail, pas une ligne qui ne conduise au but ! Et quel détail ! Dialogues, descriptions, tout est excellent ! Ses scènes et ses situations ressemblent à des tableaux de Téniers ; dans la disposition générale se montre la hauteur de son art ; les figures, prises à part, ont une vérité parlante, et l’exécution est finie avec tant d’amour pour l’art jusque dans les plus petits détails que l’artiste ne nous laisse plus un seul coup de pinceau à donner. Jusqu’où avez-vous lu ? »

« — Je suis arrivé à cet endroit où Henri Smith conduit la belle harpiste chez elle, à travers les détours des rues, et rencontre à son grand dépit le chapelier Proutfut et l’apothicaire Dwining. »

« — Oui, dit Goethe, un joli passage !… l’honnête armurier obligé malgré lui de prendre à la fin sur son dos cette fille, et même son petit chien, c’est là un des traits les plus remarquables qui aient été saisis dans un roman. Cela montre un connaisseur du cœur humain à qui tous ses secrets les plus intimes sont clairement découverts. »

« — J’admire aussi cette habileté d’avoir fait du père de l’héroïne un fabricant de gants, qui, par ses achats de peaux, se trouve depuis longtemps en relations avec les hautes terres. »

« — Oui, dit Goethe, c’est là un trait rempli d’art. Il amène dans tout le livre une foule de circonstances très-favorables au récit et une foule de détails qui, ayant ainsi un point de départ dans un fait réel bien choisi, prennent une couleur de vérité parfaite. Partout vous