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sœur et épouse ne peuvent le calmer. Pour accroître son supplice, Satan apparaît ; ce puissant séducteur trouble d’abord sa conscience, puis il lui fait accomplir un voyage merveilleux à travers les mondes ; il lui montre le passé immense, le présent petit, mesquin, l’avenir sans consolation. Caïn retourne vers les siens, non plus méchant, mais plus animé ; trouvant tout dans le cercle de sa famille comme il l’avait laissé, l’insistance d’Abel pour lui faire offrir un sacrifice lui semble intolérable. Bornons-nous à dire que tous les détails qui amènent le meurtre d’Abel sont d’une invention de premier ordre ; tout ce qui suit est également d’une valeur inappréciable. Abel est tué ! Voilà la mort !… cette mort dont on parlait tant, et sur laquelle la race humaine ne sait rien de plus qu’auparavant !

N’oublions pas de rappeler que dans toute la pièce circule le pressentiment d’un Sauveur ; sur ce point comme sur tous les autres, le poëte s’est conformé à nos doctrines et à notre exégèse. Notre voisin de l’Occident a relevé excellemment les mérites de la scène avec Adam et Eve, scène dans laquelle Eve frappe de sa malédiction Caïn qui reste muet ; nous n’avons rien à ajouter à ce qu’il a dit. C’est avec admiration, avec une crainte respectueuse, que nous avançons vers le dénoûment. Il a été jugé d’un mot, par une de nos spirituelles amies, hautement admiratrice comme nous, de Byron. Elle a dit : « Tout ce que le monde renferme de religion et de morale est contenu dans les trois derniers mots de ce drame. »


PRÉFACE À LA TRADUCTION ALLEMANDE DE LA VIE DE SCHILLER
écrite en anglais par Carlyle.

Déjà, depuis quelque temps, on parle d’une littérature universelle, et ce n’est pas sans raison ; car les différentes nations, ébranlées les unes par les autres pendant de terribles guerres, ont remarqué, après avoir été rendues à elles-mêmes, que l’étranger qu’elles avaient appris à connaître avait certaines idées dont elles manquaient elles-mêmes. De là le désir de relations avec les voisins ; jusque-là chacun s’était renfermé en soi-même ; l’esprit aspira alors à être admis, pour sa part, dans le commerce et dans les