de la nature, et cependant si élégante, si harmonieuse, que l’art n’a rien à y ajouter[1]. »
Nous souhaitons vivement que les lecteurs judicieux trouvent du plaisir à la lecture de ces chœurs et du poème entier, car il offre l’exemple rare d’une œuvre également remarquable par la beauté morale et par la beauté artistique. La traduction de l’habile M. Streckfuss contribuera beaucoup à la faire apprécier. Il devrait comprendre dans son travail l’Ode sur Napoléon, que j’ai traduite autrefois à ma façon. Cette ode confirmerait ce que nous avons essayé d’établir sur les conditions de la poésie lyrique.
ENCORE ET TOUJOURS SHAKSPEARE.
On a déjà tant parlé de Shakspeare, qu’il peut sembler qu’il n’y a plus rien à dire sur lui ; mais c’est le caractère de l’esprit d’exciter éternellement l’esprit. Je veux aujourd’hui considérer Shakspeare d’abord comme poëte, puis le comparer avec les poëtes anciens et contemporains ; enfin, l’étudier comme poëte dramatique. Je chercherai à indiquer les résultats que son imitation a amenés et peut amener. J’approuverai les idées qui ont été exprimées avant moi en les répétant ; celles que je n’approuve pas, je les rejetterai d’un mot sans m’engager dans des discussions.
SHAKSPEARE CONSIDÉRÉ COMME POËTE.
Le point le plus élevé auquel l’homme puisse arriver, c’est la conscience de ses sentiments et de ses pensées, c’est la connaissance de soi-même, qui lui sert à pénétrer l’âme d’autrui. Il y a des hommes qui sont nés avec des dispositions naturelles pour cette observation et qui savent peu à peu la tourner vers un but pratique. Le monde et les affaires considérés d’un haut point de vue nous donnent cette expérience ; le poëte naît aussi avec ces
- ↑ Le comte de Carmagnola et Adelghis, tragédies de Manzoni, traduites par M. C. Fauriel, page 19.