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relle s’élève, dans laquelle nous apprenons à bien connaître l’homme : à l’avis le plus sage on préfère la voix de l’étourderie passionnée. Scène excellente et certainement d’un grand effet sur le théâtre. Après cette scène tumultueuse, nous passons dans la tente du comte. À peine un court monologue nous a-t-il peint l’état de son âme, qu’on annonce que les Milanais, pour attaquer, ont abandonné leur bonne position ; il rassemble aussitôt ses officiers, leur donne au plus vite ses ordres ; on les reçoit avec joie et ardeur, sans crainte aucune. Cette scène courte et toute en action fait un excellent contraste avec la longue scène précédente, remplie de discussions ; le poète a montré ici toute la finesse de son esprit. Un chœur, de dix-sept strophes, contient une magnifique description de la bataille ; les dernières strophes peignent les tristes effets de la guerre et le trouble intérieur qu’elle apporte dans les États.

Troisième acte. — Nous trouvons le comte dans sa tente avec un commissaire de la république ; il félicite le vainqueur, mais le presse de profiter de ses avantages ; le comte y parait peu disposé, et l’insistance du commissaire ne fait que l’affermir dans sa résolution prise. La discussion devient assez vive, lorsqu’un second commissaire entre ; il se plaint avec force de la conduite des condottieri, qui laissent partir leurs prisonniers ; le comte n’a aucun blâme pour ce vieil usage de la guerre, et ayant appris que ses propres prisonniers ne sont pas délivrés, il les fait venir, et, bravant en face le commissaire, il les déclare libres. Ce n’est pas tout ; ayant reconnu le brave Pergola dans la foule, il lui parle affectueusement et le charge d’assurer son père de son amitié. Une telle conduite ne doit-elle pas faire naître de la colère et des soupçons ? Les commissaires, restés seuls, se concertent et concluent qu’ils doivent dissimuler ; ils approuveront et loueront respectueusement tous les actes du comte, mais ils l’épieront en silence et feront secrètement leur rapport.

Quatrième acte. — Marco, l’ami du comte, est cité par Marino, son ennemi, devant le conseil des Dix, tribunal secret ; on lui fait un crime de sa liaison avec Carmagnola ; la conduite du général coupable de froideur politique est présentée comme criminelle ; Marco la défend avec noblesse, mais sans succès. Il reçoit, comme une douce punition, l’ordre de partir immédiatement pour Thessalonique, où il doit remplir une mission ; il sent que la perte du comte est résolue, et que ni la puissance ni la ruse d’au-