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qui écrivent, on cite Jean Torti, auteur d’une Passion du Christ et de Terzines sur la poésie. Alexandre Manzoni, auteur de Carmagnola, tragédie encore inédite, s’est fait de la réputation par ses Hymnes sacrées. On espère beaucoup de Hermès Visconti, qui a écrit un dialogue sur les trois unités, une dissertation sur le sens du mot poétique, et des réflexions sur le style. Ces ouvrages ne sont pas encore livrés au public. On vante l’esprit et la pénétration de ce jeune homme, la clarté parfaite de ses pensées, son étude profonde des anciens et des modernes. Il a consacré plusieurs années à l’étude de la philosophie de Kant ; il a appris dans ce but l’allemand et s’est familiarisé avec la langue du sage de Kœnigsberg. Il a étudié avec autant de soin les autres philosophes allemands et nos principaux poëtes. On espère qu’il fera cesser cette discussion et qu’il mettra fin aux malentendus qui chaque jour deviennent plus compliqués.

Il se présente ici un fait curieux. Monti, auteur d’Aristodème, de Caius Gracchus, traducteur de l’Iliade, combat avec zèle et ardeur dans le camp des classiques. Ses amis et ses admirateurs au contraire sont dans le camp romantique, et ils assurent que ses meilleurs ouvrages sont romantiques. L’excellent homme est très-blessé de ce nom donné à ses ouvrages et il repousse avec colère la louange qu’on veut lui donner.

Ce dissentiment s’explique sans peine si l’on réfléchit que tout esprit, formé dès sa jeunesse à l’école des Grecs et des Romains, ne peut jamais renier une certaine filiation avec l’antiquité ; il devra toujours reconnaître avec gratitude ce qu’il doit à ces maîtres morts, quand même il consacrerait son talent devenu parfait à la peinture du présent ; s’il finit, sans s’en douter, comme un moderne, il a commencé comme un ancien. Il nous est également impossible de renier les idées que nous devons à la Bible, collection de documents importants, qui jusqu’à nos jours a gardé une influence vivante, quoique ces documents soient pour nous aussi éloignés et aussi étrangers que toute autre antiquité. Nous les sentons plus près de nous, parce qu’ils se rattachent fortement à la foi et aux plus hautes idées de la morale, tandis que les autres littératures ne touchent qu’au goût et aux qualités moyennes de l’humanité.

Le temps dira à quelles conditions les théoriciens italiens feront la paix. Aujourd’hui on ne peut le deviner ; car, s’il faut reconnaître qu’il y a dans le romantisme des éléments obscurs,