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n’en voulut entendre d’aucune sorte. — « J’avais pensé, disait-il, que je partirais avant lui, mais Dieu dispose tout comme il le trouve bien, et à nous autres pauvres mortels il ne reste rien qu’à tout supporter, et à rester debout comme il le veut et tant qu’il le veut. »

La nouvelle funèbre trouva la grande-duchesse mère à son château d’été de Wilhemsthal ; les jeunes princes étaient en Russie. — Goethe partit bientôt pour Dornbourg, afin de se soustraire aux impressions troublantes qui l’auraient entouré chaque jour à Weimar, et de se créer un genre d’activité nouveau et un entourage différent. — Il lui était venu de France des nouvelles qui le touchaient de près et qui avaient réveillé son attention ; elles l’avaient ramené une fois encore vers la théorie du développement des plantes. — Dans son séjour champêtre il se trouvait très-bien placé pour ces études, puisqu’à chaque pas qu’il faisait dehors il rencontrait la végétation la plus luxuriante de vignes grimpantes et de plantes sarmenteuses. Je lui fis là quelques visites, accompagné de sa belle-fille et de son petit-fils. — Il paraissait très-heureux ; il disait qu’il était très-bien portant, et ne pouvait se lasser de vanter le site ravissant du château et des jardins. Et, en effet, à cette hauteur, on a des fenêtres le délicieux coup d’œil de la vallée, animée de tableaux variés ; la Saale serpente à travers les prairies ; en face, du côté de l’est s’élèvent des collines boisées ; le regard se perd au delà dans un vague lointain ; il est évident que de cette position on peut très-facilement observer, pendant le jour, les nuages chargés de pluie qui passent et vont se perdre à l’horizon, et pendant la nuit, l’armée des étoiles et le lever du soleil.

« Ici, disait Goethe, nuit et jour j’ai du plaisir. Souvent