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toujours pleine conscience. (Suit un passage du Globe. Tome V, n°71.)


UN THÉÂTRE FRANÇAIS À BERLIN.

Un théâtre français est venu, pour un certain temps, s’établir à Berlin. Les acteurs français ont eu, en Allemagne, le même sort que les acteurs anglais à Paris ; ils ont eu à lutter contre certaines résistances. On invoquera contre eux des arguments aussi déraisonnables que ceux qui étaient employés il y a quelques années contre Molière. Dans cette circonstance, les nations étrangères verront que l’Allemand, malgré toute son honnêteté et toute sa bonhomie, a encore parfois de capricieux accès d’injustice, pendant lesquels il attaque les étrangers ou ses compatriotes avec une assurance qui ferait croire qu’il a raison. Ces erreurs le plus souvent ne sont pas relevées, elles courent même pendant quelque temps, mais, à la fin, la vérité se trouve rétablie, on ne sait trop par qui. Quoi qu’il en soit, nous saisissons cette occasion pour exprimer cette foi de notre esprit et de notre cœur : s’il y a quelque part une poésie comique, Molière doit être mis au rang le plus glorieux dans la première classe des grands poëtes comiques. Naturel exquis, soin des développements, habileté d’exécution, voilà les qualités qui règnent chez lui avec une harmonie parfaite ; quel plus grand éloge peut-on faire d’un artiste ? Tel est le témoignage que donnent de lui ses pièces depuis plus d’un siècle ; il n’est plus là pour les rendre, mais le désir de leur donner la vie éveille les facultés de tous les comédiens les mieux doués par le talent et par l’esprit.

L’Histoire de la vie et des Ouvrages de Molière, par J. Taschereau, mérite d’être lue avec attention par tous les vrais amis des lettres, car elle nous apprend à mieux connaître les qualités et le caractère d’un homme supérieur. Elle sera bien accueillie aussi des amis de Molière, quoique le récit de sa vie leur soit peu nécessaire pour l’estimer profondément, car les révélations qu’il donne sur lui-même dans ses œuvres suffisent à l’observateur attentif. Que l’on examine avec soin le Misanthrope, et que l’on se demande si jamais un poëte a tracé de son âme une peinture plus séduisante et plus parfaite ? Cette pièce est vraiment une