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Dimanche 15 juin 1828.

Nous venions de nous mettre à table quand M. Seidel[1] entra avec des chanteurs tyroliens. Ils furent installés dans le pavillon du jardin ; on pouvait les apercevoir par les portes ouvertes, et leur chant à cette distance faisait bon effet. M. Seidel se mit avec nous à table. Les chants et les cris joyeux des Tyroliens nous plurent à nous autres jeunes gens ; mademoiselle Ulrike et moi, nous fûmes surtout contents du « Bouquet » et de : « Et toi, tu reposes sur mon cœur », et nous en demandâmes les paroles. Goethe ne paraissait pas aussi enthousiasmé que nous. « Il faut demander aux oiseaux et aux enfants si les cerises sont bonnes[2], » dit-il. — Entre les chants, les Tyroliens jouèrent différentes danses nationales, sur une espèce de cithare couchée, avec un accompagnement de flûte traversière d’un son clair.

On appelle le jeune Goethe ; il sort, revient presque aussitôt, et congédie les Tyroliens, s’assied de nouveau à table avec nous. Nous parlons d’Obéron, et de la foule qui est arrivée à Weimar de tous côtés pour assister à la représentation ; déjà à midi il n’y avait plus de billets. Le jeune Goethe alors met fin au dîner en disant à son père : « Cher père, si nous nous levions ? Ces dames et ces messieurs désirent peut-être aller au théâtre de meilleure heure. » — Cette hâte paraît singulière à Goethe, puisque il était à peine quatre heures ; cependant il consent et se lève ; nous nous dispersons dans les différentes pièces de la maison. M. Seidel s’approche de moi

  1. Acteur du théâtre de Weimar.
  2. Proverbe.